ON NE PEUT PAS CHANGER LES GENS ON PEUT JUSTE LES INVITER À PRENDRE UN CHEMIN,
PUIS LEUR DONNER ENVIE DE L EMPRUNTER
Où cours tu Cynthia?Sans habit, sans parent, le corps nu, le ventre vide, où es tu?Planter la menthe, les graines, la citronnelle, ce qui t'appartient tu en prends soin!Samedi training jardin, 30 enfants et des sourires!Samedi cuisine, chef coq fait des tempura rwandais!Nous invitons chaque matin les enfants de Rubona, au Rwanda Kivu,
sur un chemin de douceur, de nature et du futur !
Allez, petits jardinier en herbes!
MISSION 14 – Janvier 2023
La mission continue avec son lot de réussites, de déceptions,
d’anciens projets postposés au profit de nouveaux dictés par l’urgence humanitaire,
et, hélas, de bruits de bottes et de nouvelles alarmantes d’épuration ethnique au Kivu.
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Où en sont les actions en cours dont nous vous parlions dans la rétrospective 2022 ?
Le Jardin des enfants continue ses activités d’éducation potagère. Sa localisation sur l’ancienne parcelle de l’association au bord de la route du lac, grâce à la gentille permission de ses nouveaux propriétaires vivant en Belgique, ainsi que sa surface homogène et plane constituent des atouts évidents. Le terrain exigu, rocailleux et irrégulier de celui de la Maison pour tous ne permettait pas une activité d’éducation à la mesure de la demande.
Très régulièrement les enfants s’y retrouvent sous la supervision d’Aristide et de Chan. Ils agrandissent la partie cultivable et poursuivent le nettoyage du terrain en enlevant briques, cailloux et plastiques.
Chacun d’eux délimite ensuite son petit lopin personnel de façon symétrique et en retourne le sol.
Des graines d’oignons, tomates, poireaux, betteraves, céleris, haricots, choux, etc. sont semées avec soin.
Un petit coup d’arrosage et de paillage termine le tout pour lancer la germination et empêcher les mauvaises herbes.
La consigne leur est donnée de veiller régulièrement sur les semis en arrachant au besoin les mauvaises herbes et en répétant l’arrosage autant que nécessaire.
Heureusement c’est encore la saison des pluies et le risque de voir dépérir les pousses est minime. Mais il faut leur apprendre à acquérir de bons réflexes en prévision de la saison sèche.
Le but est bien sûr de leur permettre de diversifier l’apport en légumes dans leur alimentation et surtout de les éveiller aux ressources très riches du climat et de la terre rwandaise. A cet égard, c’est un petit paradis terrestre.
Les cours de cuisine ont connu un succès certain et là aussi le but est d’éveiller les adolescents à une alimentation équilibrée, diversifiée, simple et accessible et même au souci d’une belle présentation dans les assiettes.
S’il faut en croire les résultats et l’ambiance de bonne humeur qui y règne, il est permis de rêver que l’une ou l’autre vocation de cuisinier y naisse, ce qui serait, selon l’expression culinaire appropriée, la cerise sur le gâteau
Chan a dû intenter un procès à l’ancien propriétaire véreux de l’école qui, suite à des infractions graves et répétées à la législation des baux au détriment de l’école, s’était lui-même reconnu responsable devant une commission de médiation des autorités du secteur avec promesse de la dédommager immédiatement. Il devait encore depuis trois ans une somme importante alors qu’il s’était vu accorder à plusieurs reprises et en vain de nouveaux délais pour le remboursement du solde. Sans difficulté, Chan a obtenu gain de cause en justice aux termes d’un jugement favorable assorti d’une contrainte de remboursement, au besoin sur saisie, pour le mois de février. L’association ne peut prendre à la légère sa responsabilité vis-à-vis des donateurs généreux et des enfants pauvres auxquels elle vient en aide.
Les peintures enfantines qui ornent les façades de Inzu ya Bose ont été rafraîchies par Eric, le talentueux décorateur. Les photos ci-jointes vous en donneront une idée.
Les nouvelles urgences
Fabrice s’était laissé entraîner à Kigali par un inconnu prometteur de beaux jours qui lui avait fait miroiter de gagner des sous sur le marché au bétail. Il n’a heureusement pas fallu attendre longtemps pour avoir de ses nouvelles.
Au bout de quelques jours d’errance dans cette ville qu’il ne connaît pas, il s’est réfugié à Cécydar, où il avait été pensionnaire pendant 6 mois il y a trois ans.
Après avoir été écouté et dûment chapitré, une fois de plus il est retourné auprès de sa maman qui est venue elle-même le chercher grâce au soutien de Sarahmoon qui continue de subvenir aux frais de scolarisation et d’entretien de Fabrice.
Lors de ses allées et venues, Chan est tombée sur un nouveau cas d’abandon d’enfant.
Une fillette de 10 ans, Cynthia, mendiait, dévêtue, sur les marchés pour se nourrir des restes des étals.
Les vêtements que Chan lui fournissait étaient aussitôt vendus au rabais pour se procurer à manger.
Un jour Chan la croise, sale et hagarde, visiblement traumatisée par une mauvaise expérience.
Il n’était pas sorcier de deviner ce qui avait pu lui arriver et il est vite apparu impossible à Chan de la laisser dans la rue, affamée et à la merci d’abuseurs en tous genres. Enquête menée auprès de la police a permis de retrouver ses origines congolaises ainsi que la famille d’accueil qu’elle fuit pour des raisons non encore élucidées.
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Que faire dans un contexte social où l’Etat oblige la parenté à accueillir les enfants orphelins ou abandonnés par père et mère et ne finance guère pour l’instant de structures d’accueil ?
Après avoir alerté ses relations rwandaises, Chan a reçu une réponse étonnante : Yolande, une rescapée du génocide au cours duquel elle perdu tous les siens, s’est proposée malgré son âge pour accueillir la petite.
Nous saurons si cela ira....
Elle sera ravie de la retrouver après plusieurs années sans s’être vues.
Déjà un immense merci à cette femme hors de l’ordinaire qui fait de sa souffrance une raison de venir en aide aux malheureux.
Certains traversent les grandes épreuves de la vie le cœur élargi et empathique alors qu’ils auraient pu en sortir le cœur rétréci
par la peur et la haine.
Le prochain voyage de Chan sera donc pour la lui confier, à l’autre bout du Rwanda.
Ce voyage sera l’occasion de faire le détour par Janja pour y rencontrer Gilbert, paralysé des membres inférieurs, et les religieuses qui l’ont recueilli dans leur institution qui intègre enfants valides et handicapés.
Elle ne manquera pas de nous en donner des nouvelles.
Impossible de clore ces news sans évoquer les événements tout proches de Goma et de l’Est du Congo, difficiles à comprendre pour des européens à peine informés - et souvent mal - de la situation catastrophique qui y règne au milieu du chaos provoqué par des centaines de factions rivales, petites et grandes, qui, au gré d’alliances se nouant et se dénouant à un rythme accéléré, se disputent les richesses abondantes en terres rare et en or de la région.
L’exportation des produits de ces pillages par les pays voisins leur permet de mieux s’armer pour s’imposer, profitant de l’impuissance voire de la complicité des forces kényanes, burundaises et de la coûteuse Monusco (ONU) qui sont censées y ramener de l’ordre. Sans parler de celles de l’armée de RDC, d’Ouganda et des interventions de l’armée rwandaise qui y poursuit le FDLR composé d’anciens génocidaires dont le projet est de reconquérir le Rwanda. La population paie un tribut effroyable : pillages, rançonnements, viols, enlèvements, travaux forcés, massacres…
Depuis Rubona, Chan entend les déflagrations et assiste au tournoiement des bombardiers dans le ciel de Goma toute proche.
D’anciens élèves qu’elle a eus à Gisenyi lors de son premier séjour de coopération avant le génocide et qui vivent à Goma l’alertent sur leur réalité quotidienne dramatique.
Jusqu’à quand cela va-t-il durer et jusqu’où cela va-t-il mener cette région tourmentée ?
FREDDY DETHIER